Aller au contenu principal

Le Québec vers 1905

Le Québec  vers 1905

L'aristocratie des sexes

Notice : selon Idola Saint-Jean, pourquoi les femmes doivent-elles avoir le droit de vote?

Extrait :

« Le souffle d’égoïsme qui a créé l’état des choses que nous combattons, la condition subalterne des femmes, état résultant des époques primitives où seule la force brutale primait sur le droit, sera graduellement étouffé et les derniers vestiges de l’aristocratie disparaîtront. L’homme après en avoir admis presque universellement l’absurdité et après avoir supprimé les privilèges de rangs, de castes et de naissance, abolira la dernière aristocratie survivante, l’aristocratie des sexes. La logique toute-puissante, que rien n’arrête, fera son chemin en dépit de tous les obstacles, car la logique est la raison des simples et la loi déterminante des foules.

[…]

Le dernier conflit, conflit dans lequel la femme n’a Dieu merci, aucune espèce de responsabilité, en entraînant les hommes à la tuerie, a forcé la femme à donner son rendement à la société. Elle a rempli toutes les charges, accompli toutes les besognes. Elle est par conséquent devenue consciente de ses capacités, et les ayant une fois mises au service de l’humanité, elle ne veut plus retourner à sa vie incomplète d’avant-guerre. S’étant rendu compte que tout en accomplissant ses devoirs d’épouse et de mère, elle pouvait très bien consacrer une part de son activité au bien-être de l’humanité, elle combattra vaillamment jusqu’à ce que tous les pays du monde aient reconnu que l’influence féminine est toute aussi nécessaire dans la vie publique que dans la famille.
Les femmes de la province de Québec sont aujourd’hui les seules femmes de l’Amérique du Nord auxquelles on refuse le droit de citoyenneté. Elles sont soumises à toutes les lois, payent tous les impôts, n’est-ce pas souverainement injuste de les priver d’un privilège que tous les citoyens canadiens, nés au pays ou ailleurs possèdent.

Nous votons dans les élections fédérales aussi intelligemment que les femmes des provinces voisines. Alors pourquoi ne pourrions-nous pas nous occuper des problèmes discutés au parlement provincial? »

 

Source de l’extrait : Idola Saint-Jean, Le Monde Ouvrier, 28 janvier 1928. Cité dans Yvan Lamonde et Claude Corbo, Le rouge et le bleu : Une anthologie de la pensée politique au Québec de la Conquête à la Révolution tranquille, Montréal, PUM, 1999,
p. 375-376.