Assimilation et tradition ancestrale
Le témoignage de Roméo Labillois :
« L'enfant que j'étais au milieu des années 1940 n'entendait parler chez lui qu'une seule langue, le micmac. Dans la réserve, tout le monde parlait micmac. À cette époque, notre collectivité [Restigouche] n'était pourtant pas unilingue : la plupart parlaient l'anglais, jusqu'à un certain point, et quelques-uns parlaient aussi le français. […]
Ce n'est qu'à l'école indienne de la localité que nous avons vraiment pris conscience de la réalité : il y avait un autre monde, et une langue totalement nouvelle, l'anglais. À l'école, nous avons appris l'alphabet, nous avons appris à compter. […]
Je me souviens peu des premiers jours passés à l'école, mais je me rappelle qu'en classe et dans la cour il nous était interdit de parler micmac, notre langue. […] Nous avons appris l'histoire du Canada, l'histoire universelle et la géographie du monde entier, l'histoire de l'Amérique. On nous a aussi enseigné la religion catholique, ainsi que l'histoire et les valeurs du catholicisme. Nous n'avions pas le choix : il nous fallait apprendre, même si cela ne nous plaisait pas. Nous avons humblement accepté la situation, sans rien faire d'autre. Nous avons appris à ne pas mélanger nos deux univers : à la maison, nous parlions micmac; à l'école, nous parlions anglais. […]
Nos ancêtres autochtones ont pu survivre et faire survivre leur culture parce qu'ils formaient un peuple distinct et se savaient différents des colons français et anglais venus s'établir sur leurs terres ancestrales. Ils ont survécu parce qu'ils tiraient leur subsistance de la terre et des ressources de leurs terres. Mais ces terres ont été enlevées aux [Autochtones] et ceux-ci ont été placés dans des réserves. Ils ont perdu leur liberté. Ils ont perdu leur mode de vie. Il ne leur est plus resté que leur langue et quelques terres qu'ils appellent leurs terres, mais qui ne leur appartiennent pas vraiment. […] »
« L'existence des langues autochtones remonte à des temps immémoriaux, car il y avait des gens qui pouvaient les parler pour communiquer entre eux et transmettre, de génération en génération, leur savoir, leur sagesse, leurs coutumes, leurs usages, leurs principes moraux et leurs valeurs. […] »
Source : Jacques Maurais (dir.), Les langues autochtones du Québec, Québec, Conseil de la langue française, [1992].