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Les Treize colonies vers 1745

Les Treize colonies  vers 1745

Meurtre impuni

Notice : Frederick Douglass (1818-1895). Ancien esclave devenu l’un des plus célèbres militants abolitionnistes. Que peux-tu dire des conditions de vie des esclaves après avoir lu l’extrait? Qu’est-ce qui différencie les conditions de vie des travailleurs réguliers et des esclaves?

Extrait :

« De tous les surveillants, il était celui que les esclaves craignaient le plus. Sa seule présence leur était insupportable; son seul regard semait le désarroi et le son strident de sa voix suscitait la peur et provoquait des frémissements dans leurs rangs.
    Malgré son jeune âge, M. Gore était un homme grave qui ne se laissait jamais aller à la blague ou à dire de bons mots. Il ne souriait jamais. Ses paroles étaient conformes à son allure et son allure conforme à ces paroles. Les autres superviseurs se laissaient parfois aller à un bon mot, même à l’égard des esclaves; pas lui. Il ne parlait que pour donner des ordres et être obéi. Il usait de peu de mots et abondamment du fouet, et jamais des premiers si le second faisait aussi bien l’affaire. Il semblait fouetter par devoir, sans craindre les conséquences. Il ne faisait rien à contrecœur, même les choses les plus désagréables. Toujours à son poste, jamais incohérent, il tenait chacune de ses promesses. En un mot, c’était un homme inflexible, impassible comme la pierre.
    Sa barbarie n’avait d’égal que le flegme consommé avec lequel il commettait les actes les plus horribles et les plus sauvages à l’endroit des esclaves sous sa férule. Il entreprit un jour de fouetter un esclave du colonel Lloyd appelé Demby. Il lui avait déjà donné quelques coups lorsque Demby s’enfuit en courant et plongea dans un ruisseau où il se tint debout, de l’eau jusqu’au épaules, refusant de sortir. M. Gore lui dit qu’il allait compter jusqu’à trois : s’il n’était pas sorti à trois, il le tuerait. Il compta. Un. Demby resta dans l’eau. Deux, puis…trois. Demby ne bougea pas. Sans consulter personne, sans délibérer avec qui que ce soit, sans même donner une dernière chance à Demby, M. Gore leva son mousquet à la hauteur de son visage et tira un coup mortel. Le pauvre Demby mourut instantanément. Son corps mutilé coula et disparut tandis que du sang et des morceaux de cervelle flottaient sur l’eau là où il s’était tenu.
    Un frisson d’horreur envahit chacune des âmes de la plantation à l’exception de M.Gore, qui restait calme et stoïque. »

 

Source de l’extrait : Frederick Douglass, Mémoires d’un esclave, Montréal,  Lux Éditeur, 2004, p. 24-26.